La page poésie d'Odile : La guerre, toujours la guerre !
15 Avril 2022 , Rédigé par verdon-info Publié dans #Image et poésie
La guerre, toujours la guerre !
Que de magnifiques poèmes et tableaux sur la guerre ! Ce paradoxe est étrange ! La guerre fascine et…inspire. On lui doit quelques-uns des plus beaux poèmes de la langue française. « Le dormeur du Val » d’Arthur Rimbaud, « Après la bataille » de Victor Hugo, "Liberté" de Paul Eluard, "Le déserteur" de Boris Vian, sans oublier Apollinaire et tant d’autres, quant aux tableaux ils sont pléthores. Je n’ai jamais pardonné à Apollinaire son vers : « Ah Dieu ! Que la guerre est jolie Avec ses chants, ses longs loisirs. » Il ne lui a pas porté bonheur car il est mort juste avant la fin de la guerre des suites de sa blessure à la tête (éclat d’obus) associés à la grippe espagnole. Je propose aujourd’hui une magnifique poésie d’Aragon, fidèle au surréalisme uniquement par son absence de ponctuation, mais ô combien réaliste sur le fond ! Il nous offre un texte presque classique avec ses rimes et ses alexandrins, peut-être nécessaires à un thème aussi fort. Cette opposition à chaque vers entre ce qui a été et ce qui sera, est bouleversante. Le pessimisme et le fatalisme dans ce poème sont immenses et pourtant tellement justes. Le poète parvient tout de même à ajouter une note d’humour, nécessaire aussi dans toute cette noirceur et ce champ lexical de termes durs et violents : « Pour une fois qu’il avait un jeu du tonnerre ». La répétition du mot jeu (« ça commence à n’être plus de jeu »), n’est sans doute pas fortuite. Elle met le doigt sur le fait que la guerre n’est pas un jeu (soldats de plomb, jeu de stratégie… !) et qu’il y a mort d’hommes.
L’intensité est maximale, notamment dans les quatre derniers vers avec l’aphorisme « déjà » qui donne une grande force au texte et montre combien cet avenir inéluctable est proche.
J’accompagne ce poème de tableaux de différentes époques, tout aussi suggestifs. Je vous avais déjà proposé celui de Marcel Bromaire mais il est tellement impressionnant avec son cubisme qui transforme les soldats en statues de métal, que je ne pouvais pas ne pas le reposter. A rapprocher de celui de Picasso qui, lui aussi, représente les soldats comme des robots. On pourrait croire que les tableaux de Chagall sur la guerre (les souffrances subies par les juifs dans la Russie occupée par les troupes nazies), sont moins impressionnants grâce aux couleurs vives chères au peintre et à la légèreté de ses personnages volants, ce qui enlèverait une partie du poids du sujet, mais en étudiant cette toile de plus près, on constate qu’il n’en est rien. La composition est certes colorée mais surplombée par un ciel tourmenté comme une aurore boréale et les couleurs vives de bleus, de violets et de jaunes, au contraire renforcent la violence. Le cadavre avec les bras en croix étendu dans la neige est la figure centrale du tableau. Autour de ce symbole, on retrouve les images allégoriques habituelles de Chagall : le personnage du juif errant, le cheval qui se cabre, et bien sûr un coq, les animaux et surtout les oiseaux tenant une place centrale dans son œuvre. La mère à l’enfant assise sur le traîneau, est elle aussi tout un symbole, elle règne sur cette scène terrible, l’expression vide, hésitant à fuir pour sauver son enfant. Et du rouge, beaucoup de rouge, du sang, beaucoup de sang…
Enfin, Delacroix (XVIIIème siècle) représente dans cette toile la bataille de Nancy*, où est mort Charles le Téméraire. Il rejoint les grandes fresques historiques ou mythologiques de David comme « les Sabines » ou « le combat de Mars contre Minerve ». Quant au tableau de Rubens (1637), on y trouve cette allégorie de la guerre de 30 ans ** qu’il décide de représenter sous les traits d'une femme en noir, la divinité Europe. Vénus, la déesse de l'amour, cherche à retenir Mars, le dieu de la guerre, que l'on aperçoit en armure au centre du tableau.
Histoire : (source Wikipédia)
* Le 5 janvier 1477, le duc de Bourgogne, Charles le Téméraire qui souhaite annexer la Lorraine, trouve la mort sous le coup de lance du chevalier de Bauzémont.
** La guerre de Trente Ans est une série de conflits armés qui a déchiré l’Europe de 1618 à 1648. Les causes en sont multiples mais son déclencheur est le désir des Habsbourg d’Espagne et du Saint-Empire, soutenus par la papauté, d’accroître leur hégémonie et celle de la religion catholique dans le Saint-Empire. Ces conflits les ont opposés aux États allemands protestants, auxquels étaient alliées les puissances européennes voisines à majorité protestante -et pays scandinaves-, ainsi que la France qui, bien que catholique et luttant contre les protestants chez elle, entendait réduire la puissance de la maison de Habsbourg sur le continent européen.
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