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Actualites locales Moyen et Haut Verdon...

La page littéraire du mois : « Tout feu tout flamme »

20 Octobre 2021 , Rédigé par verdon-info Publié dans #Image et poésie

  • « Tout feu tout flamme »

Le monde s’enflamme : les montagnes grondent, les incendies dévorent des Etats entiers en Amérique, en Australie, au Portugal ; partout la planète brûle, les glaciers fondent sous une chaleur excessive, la banquise rétrécit et tue ses habitants à 4 pattes tandis que les volcans vomissent leur lave sur les maisons et les cultures… Les palmiers de Miami grésillent et les Canaries ne chantent plus. Pourtant, à l’heure où l’on se demande ce que nous allons devenir lorsque le dernier mammifère aura disparu et le dernier arbre aura été consumé, le feu continue à éblouir les yeux et à scintiller dans la mémoire collective : la tour Eiffel s’embrase de feux d’artifice géants le jour de l’an, Lyon ville lumière illumine ses bâtiments de mille couleurs, le flambeau d’Olympie brûle pour l’éternité, le sapin de Noël brille de mille étoiles et jamais au grand jamais nul ne laissera s’éteindre la flamme du soldat inconnu. Le feu, symbole de purification (bûcher), de justice (ordalie*), de sacrifice (immolation), et même d’amour (flamme), ne cesse de cultiver sa duplicité. A la fois élément de vie et de cendres, d’espoir et de dégradation, de liberté et de désolation, il exerce toujours la même fascination. Lié intimement à la destruction, il reste cependant le phare qui éclaire nos océans et le foyer qui réchauffe nos cœurs les soirs d’hiver.

*Ordalie : justice divine. Le condamné qui pouvait marcher sur des braises sans se brûler était déclaré innocent.

  • « La part des flammes » Gaëlle Nohant

L’incendie du Bazar de la charité en 1897 à Paris est resté tristement célèbre, et ses 120 victimes, principalement des femmes et des jeunes-filles ont péri dans de telles souffrances que les nombreux récits qui en ont été faits en donnent encore la chair de poule. C’est le tout nouveau cinématographe qui a été responsable du départ de feu : de quoi engendrer la polémique sur les inventions modernes ! Des corps écrasés sous les décombres, ou piétinés sans pitié (notamment par les hommes, ce qui a été démenti depuis), des femmes en feu prisonnières des fenêtres fermées, des familles entières de nobles dames accompagnées de leurs filles ou petites-filles décimées, autant d’horreurs qui ont largement défrayé la chronique et alimenté les tabloïds, friands de sensations fortes. 

Ce récit est romancé dans « La Part des flammes », certes, mais l’essentiel y est : l’histoire et la mort de la princesse de Bavière, sœur de Sissi l’Impératrice,  assistée par Violaine de Raezal, jolie veuve à la réputation sulfureuse, et la jeune Constance d'Estingel, est malheureusement vraie. Ces dames de la haute société ont perdu la vie ou sont restées affreusement défigurées, uniquement parce qu’elles ont voulu venir en aide aux pauvres de la ville en participant à cette vente de charité. Leur longue chevelure ébouriffée, échafaudée ou torsadée, rapidement en flammes, de même que leurs froufrous, les ont condamnées à une mort atroce. J’ai beaucoup aimé le style de ce livre, qui, contrairement à la série qui a été diffusée à la télévision, (et pourtant très bien rendue par le jeu, les costumes et les décors de l’époque), emploie le langage châtié des « précieuses » : les descriptions sophistiquées et les conversations choisies nous transportent deux siècles en arrière. 

Sur le fond, le plus intéressant est la place de la femme dans la société du XIXème siècle où heureusement, la noblesse des privilèges touche à sa sa fin : les jeunes-filles à marier que l’on « vend » à un riche vieux monsieur pour sauver la famille de la ruine, les jeunes femmes « perdues », jetées à la rue et vouées à la prostitution juste pour une romance, les vertueuses épouses qui passent toute leur vie oisive à prospecter et à organiser des bals pour bien marier leurs filles, ces dames patronnesses qui achètent le ciel grâce à leurs dons, cette obsession du paraître , du superficiel, engendrant  trahisons et hypocrisie…Une fresque riche et instructive qui, au-delà du terrible fait divers historique, nous donne à réfléchir sur le règne des apparences, la vanité d’une certaine société partagée entre l’ancien monde et le modernisme, ainsi que sur la condition féminine encore aujourd’hui.

 

  • Le feu, avec son mystère et la fascination qu’il exerce est décidément très inspirant : 

« Être tout feu tout flamme », c’est-à-dire être très enthousiaste, n’est qu’une parmi les très nombreuses expressions formées avec ce mot brûlant.  A noter que la plupart d’entre elles peuvent s’entendre au sens propre ou au sens figuré :

-Au coin du feu : Se réunir autour de la cheminée. (Pour la veillée)
-Prendre feu : Commencer à brûler, s'embraser
-Crier au feu : Donner l'alarme, alerter l’entourage en hurlant.
-Y’a pas le feu (au lac) : Ne pas se presser, il n'y a pas d'urgence.
-À petit feu : (se) consumer lentement (sens propre et  figuré)

-N'y voir que du feu : Se laisser berner, ne se rendre compte de rien.
-Donner le feu vert : Donner l'autorisation.
-Mettre à feu et à sang : Saccager, ravager un lieu.
-Jouer avec le feu : Prendre des risques inutiles.
-Mettre le feu aux poudres : Provoquer l’autre, engager un conflit.

-Jeter de l'huile sur le feu : Aggraver une situation déjà tendue.

-Il n'y a pas de fumée sans feu : Il n’y a pas de signe visible sans une vraie cause.
-Mettre sa main au feu : Être certain de quelque chose et être prêt à parier n’importe quoi.
 -Être pris entre deux feux : Devoir faire un choix entre deux personnes pressantes (ou choses importantes)
-Avoir un tempérament de feu : Avoir de l'énergie, du dynamisme, être extraverti. (Ou « chaud » sexuellement parlant)

-Le feu du rasoir, de l'alcool : La brûlure due au rasoir, à l'alcool.
-Dans le feu de l'action : En pleine action sans se rendre compte de ce qu’il se  passe autour 

-Aller au feu 1: Aller au combat. 

-Ouvrir le feu2 : Tirer avec une arme à feu (sens propre), ou ouvrir les hostilités (sens figuré). 

 -Ne pas faire long feu3: Ne pas durer longtemps. A noter que l’expression contraire veut dire la même chose : « faire long feu ». Un mystère de la sémantique !

1Aller au feu : La métonymie est une figure de style par laquelle on remplace un mot, par exemple l’épée, par un autre mot avec lequel il a un lien logique, comme « le fer ». Ainsi, on peut dire : ces guerriers ont croisé le fer ! Ici, aller au feu = aller au front, à la guerre. NdA

2. Ouvrir le feu : La synecdoque est une métonymie dans laquelle une partie d’un
élément sert à désigner le tout (ou le tout pour désigner une partie).Ici ouvrir le feu c’est lancer le tir, tirer le coup de feu. NdA

 3. Ne pas faire long feu : « Littré en donne ces deux définitions : « Se dit au sens propre d’une arme dont le coup est lent à partir » et au figuré : « Se dit d’une affaire qui traîne en longueur ». Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis Littré. Le Robert, quant à lui, comprend l’expression d’une autre façon : au propre, « se dit d’une cartouche dont l’amorce brûle trop lentement, de sorte que le coup manque son but. » Au figuré, « ne pas atteindre son but », avec, comme synonyme, échouer.
Nous gardons le meilleur pour la fin, car Robert ajoute : « Ne pas faire long feu » signifie « ne pas durer longtemps ».
Ipso facto, si « ne pas faire long feu » signifie « ne pas durer longtemps », faire long feu, c’est… durer. Il semble bien que cette expression soit comprise ainsi par beaucoup, et la présence de « long » explique peut-être cette « dérive » sémantique. « Faire long feu » signifiera donc aussi bien « durer » que « ne pas durer ». Un beau cas d’énantiosémie (deux sens opposés ou contradictoires pour un même mot) ! Et pas de quoi rallumer la guerre du feu ». (
Extrait d’un article du Monde « Langue sauce piquante ». Blog de Martine et Olivier, camarades de casse. ) 

  • . Le saviez-vous ? 

-L’adjectif FEU désigne une personne morte récemment, alors qu’un(e) défunt(e)  désigne une personne morte depuis un certain temps. Ce mot avait autrefois le sens de « malheureux », « qui a une triste destinée ». (A noter qu’en Provence nous disons ma « pauvre » tante pour une proche décédée, ce qui, étonnamment, rejoint cette idée.

A retenir : L'adjectif feu s'accorde s'il est placé entre le déterminant et le nom. (Ex : la feue princesse ;  nos feus parents ;  tes feues tantes) et à noter que le pluriel se forme alors avec un S et pas un X. Il demeure invariable s'il est placé devant le nom et son déterminant, ou s'il n'y a pas de déterminant : Feu nos parents. Feu la maîtresse de maison. Etonnant, non ? 

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