La page poésie d'Odile : « Tout de blanc vêtu »

2 Janvier 2025 , Rédigé par verdon-info Publié dans #Image et poésie

Quelques mots sur la page « Tout de blanc vêtu »

En principe le mois de janvier revêt un voile blanc. Gel, gelée blanche, brume et glace donnent des reflets blafards, des éclairs argentés ou des effets transparents à tout ce qui nous entoure. On appelle janvier « le mois du blanc » lorsqu’on fait la promo du linge de maison. Je pense plutôt que cette appellation est due au grand blanc de la nature à cette période. Les deux poèmes choisis mettent le blanc à l’honneur (les tableaux aussi). Pour preuve, le champ lexical : « Ouaté », « blanc », « blanche » pour Copée, « brumeux » « blafard », « pâle, » « fumeux », « blanc » pour Gautier…Aussi j’ai fait appel aux toiles qui m’ont semblé illustrer le mieux cette pâleur un peu maladive reflétée par les mois d’hiver. Les impressionnistes réputés pour leurs couleurs flamboyantes ont pourtant usé et abusé du blanc, surtout Monet. J’ai en tête la toile représentant son épouse morte qui donne le frisson avec ses tons monochromes de pâleur morbide. Ce qu’on appelle les lividités en médecine légiste. Je refuse de gâcher le plaisir des fêtes avec ce tableau. D’ailleurs dans certains pays asiatiques le blanc est la couleur du deuil, contrairement à nos vêtements noirs. Le peintre jardinier disait que le blanc n’était jamais vraiment blanc. En fait il revêt toujours des reflets roses, bleus ou mauves, avec peu de relief. On connaît la fameuse toile de Malevitch « Carré blanc sur fond blanc » qui prouve bien qu’il n’existe pas seulement « 50 nuances de gris » mais aussi « plusieurs nuances de blanc ». D’ailleurs Manet a joué avec cette petite variété chromatique, notamment dans « Effet de neige à Giverny ». Bien peu de tons différents par rapport à la palette chromatique des autres couleurs, mais ils existent tout de même. Cela n’est pas sans rappeler la gamme nuancée des noirs de Soulages. Par contre la famille Bruegel, familière des tableaux enneigés, aime le contraste comme on peut le constater sur leurs tableaux où les toits, les personnages, tranchent vivement avec les paysages de neige. De même, Edouard Manet qui privilégie le fond noir pour son blanc éclatant, (« Dame à l’éventail ») ou pas (« La lecture »). Que l’on aime l’une ou l’autre façon de mettre le blanc en valeur, le résultat est toujours magique. Symbole de pureté, d’innocence et de clarté, cette couleur, qui n’en est pas une (elle est plutôt définie comme une absence de couleur ou une association de toutes) rend tous les tableaux lumineux. Pour moi ce n’est pas une absence mais un rehausseur de couleur, il illumine chaque objet d’une touche éclatante. Autrefois céruse (ou blanc de plomb), la couleur blanche était très toxique, on dit que la reine Elizabeth Tudor en est morte à force de s’en tartiner le visage. Remplacée par l’oxyde de zinc (ou blanc de Chine) moins toxique mais plus fragile, puis par le blanc de titane depuis le XXème siècle, le blanc est enfin devenu opaque ET lumineux. Mais je suis nulle en chimie, donc je vais en revenir aux mots. J’apprécie énormément la poésie du texte de Théophile Gautier qui multiplie les métaphores (« face… sans fard », « vitres étoilées », « fleurs de la gelée », « rameaux blancs ») ; à noter aussi l’abondance d’allitérations (en F : face, s’efface, fard », qui évoque la fugacité, en CH : « cheminée, chaperonnée » qui rappelle le chuintement du feu, en N : « monotone, tonne, noir » qui évoque la nuit etc. Quant au poème de Coppée, sa douceur et sa musicalité c’est cadeau ! Je vous laisse admirer la pureté des alexandrins et des césures (« sous un doux ciel perlé… »), la fluidité des retours à la ligne (« la margelle Du puits ») et apprécier, en fin de texte, les notes de couleur qui tranchent avec le blanc (« soleil », « vermeil », « lueur féérique », « corail rose »), un bijou !!