La page poésie d'Odile :La France à l’heure du sport

15 Juin 2024 , Rédigé par verdon-info Publié dans #Image et poésie

Quelques mots sur La France à l’heure du sport

Jacques Reda, n’est pas un poète des plus connus mais ce poème très descriptif, donne la dimension de son talent de peintre du réel. Ce poète de la simplicité, de la tranquillité, se veut un observateur de la réalité. Tel un peintre il veut donner de la beauté à un environnement ordinaire. Je suis plutôt, en règle générale, amatrice de beaux sonnets en alexandrins ou octosyllabes, si possible à césures parfaites, mais ce texte en vers libres, est éminemment poétique. Il transforme un simple vélo noir dans un cadre paisible, en vitrail coloré étincelant sous les rayons du soleil. Cependant sous une forme apparemment simple d’écriture, ce texte est très structuré et les figures de style abondent. Le poème commence avec une période d’observation du vélo (vers 1 à 9). Puis la personnification du vélo (« grand », « de proportions parfaites ») cette idéalisation fait penser à « l’homme de Vitruve » de Vinci qui définit les proportions humaines). Dans la description de l’environnement du vélo, on retrouve l’impression de sérénité et de silence (« vide », « en silence », « petits pas légers », « parfois un chien aboie »). Mais ce qui frappe le plus c’est le champ lexical de la brillance et de la couleur. « Feu vert et doré ». Couleur de la nature (vert) qui est liée à la couleur du soleil « doré. Cette explosion de lumière est traduite de façon « éblouissante » (étincelles, éblouissant, feu, astre, fusion). Dans la deuxième partie du poème, après des vers réguliers qui évoquent le calme, (un alexandrin parfait au milieu des vers de 14 pieds !) l’objet s’anime, il vibre, il est comparé à un oiseau qui va s’envoler et le rythme s’accélère. Vers hachés, césures improbables, vocabulaire bondissant. Le poème imprime un changement de rythme qui permet l’observation attentive de la métamorphose opérée sur le vélo par la lumière du soir. Cette transformation spectaculaire s’effectue cependant dans une atmosphère calme et harmonieuse.

Quel contraste avec le texte de Beauregard ! Non seulement dans la régularité et le classicisme du style du sonnet mais, étonnamment, dans l’excitation et la rage qui s’en dégagent contrairement à la sérénité de « La bicyclette ». On peut en conclure que la régularité des vers d’un poème n’est pas incompatible avec la violence du thème. Le changement de rythme, les interjections, les accumulations, les verbes d’action, traduisent avec brio cette agitation virevoltante quasi fratricide. Et tout cela en forme de sonnet parfait, en alexandrins impeccables et en rimes riches !

Les illustrations sont elles aussi complètement différentes : de la naïveté du douanier Rousseau, au cubisme de Marcel Gromaire en passant par la précision du trait de Bernard Buffet, on visualise le sport à travers les âges et les écoles. Tout dans le tableau de Rousseau peut paraître ridicule : les combinaisons rayées, style maillots de bains 1900, le terrain très étroit, des joueurs de foot qui sont plutôt des rugbymen, des mains, pieds, genoux très mal rendus, bref ce tableau n’est guère dans les normes et les joueurs ressemblent à des danseurs maniérés, mais il est malgré tout réussi et surtout joyeux. Le cubisme de Marcel Gromaire est très particulier, en noir et blanc, granitique, comme le tableau « la guerre » que je vous ai déjà proposé et dont les soldats semblent taillés dans la pierre.

Personnellement j’aime Buffet, son trait noir épais et précis, la netteté et la rigidité des lignes, les angles souvent très aigus, (pas chez les Sumos cependant qui sont des sportifs tout ronds !) il est le contraire du douanier Rousseau dans le rendu des gestes.