Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Actualites locales Moyen et Haut Verdon...

La page poésie d'Odile : Sylvain Tesson et le Printemps des poètes

15 Février 2024 , Rédigé par verdon-info Publié dans #Image et poésie

La page poésie d'Odile  : Sylvain Tesson et le Printemps des poètes

Sylvain Tesson et le Printemps des poètes

Loin de moi l’idée de relancer la polémique, mais avec mon habitude de défendre la veuve et l’orphelin, j’ai eu envie de donner la parole à Sylvain Tesson (magistralement interprété par Jean Dujardin dans le film « Sur les chemins noirs », du titre éponyme). Plusieurs auteurs ont taxé d’« imposture » ses récits de voyages, dénonçant ces nouveaux explorateurs comme autant d’écrivaillons de poncifs aventuriers. Je trouve cela très violent. On lui reproche surtout ses « tendances réactionnaires » le cataloguant dans la littérature de droite, voire d’extrême droite. On lui reproche aussi son manque d’authenticité, sous-entendu c’est un bourgeois qui joue à l’explorateur avec pas mal de moyens et sans prendre le moindre risque. Ses opinions politiques ne m’intéressent pas, tout du moins en tant qu’écrivain. Une randonnée est l’occasion de réflexions que l’auteur propose à notre propre jugement, libre à nous de ne pas y adhérer.

J’ai toujours adoré Bernard Clavel, René Barjavel et Pierre Magnan, qui sont aussi réputés pour être « réacs ». Et que dire de Céline ou Giono (qui a même été accusé d’être collabo) ? Ce qui me touche, c’est la volonté dont il a fait preuve en partant à pied à travers la France après avoir subi tant d’opérations chirurgicales, en traînant un corps en mille morceaux et également son courage pour l’écrire, car ce n’est pas donné à tout le monde de savoir se raconter et parler de soi. Surtout lorsqu’il s’agit d’une expérience idiote comme tomber, complètement ivre, d’une terrasse d’immeuble !!

Je résume l’affaire pour ceux qui ne la connaissent pas : récemment ( janvier 2024), une tribune publiée dans Libération a rassemblé 2000 signataires, -poète(esse)s, éditeurs (trices) libraires, et acteurs (trices)-  qui se sont opposés à la nomination de Sylvain Tesson comme parrain de l'édition 2024 du Printemps des poètes. L'écrivain y est décrit comme une « icône réactionnaire » qui viendrait « renforcer la banalisation et la normalisation de l’extrême droite dans les sphères politique, culturelle, et dans l’ensemble de la société ». Heureusement, le créateur du Printemps des poètes, et ancien ministre de la culture, Jack Lang, a vivement dénoncé cette accusation et estime qu'un « tel crétinisme est une insulte à la poésie ». La nouvelle ministre de la Culture Rachida Dati, a également soutenu l'écrivain. Même des personnalités de gauche ont pris sa défense, amenant Sophie Nauleau, la directrice artistique du Printemps des poètes à la démission.

Sa prose est d’un style simple, certes, mais elle peut ainsi toucher tout le monde ; et son vocabulaire fourni, son érudition, et certaines expressions, même si elles semblent éculées pour certains,  interpellent et émeuvent : « Alors, on rentre chez soi débarrassé de l'insecte qui vous mordait le cœur, lavé de toute peine, remis debout ». Il nous gratifie aussi de quelques traits d’humour assez pertinents pour quelqu’un qui a frôlé la mort de très près (ou peut-être grâce à cela) : « Certains hommes espéraient entrer dans l'Histoire. Nous étions quelques-uns à préférer disparaître dans la géographie », ou "La marche était une pêche à la ligne : les heures passaient et soudain une touche se faisait sentir, peut-être une prise ? Une pensée avait mordu ! "

Que l’on ne vienne pas me dire que son écriture est une imposture : « Je visais le cœur du Massif central, pays des secrets villageois, des écrivains bizarres, des futaies du mystère, des roches magmatiques et des bêtes du diable. Ici, on pouvait effacer ses traces. »

Juste un petit bémol pour moi, je trouve, mais c’est personnel, que certaines images et métaphores ne sonnent pas toujours juste (« La tectonique est l’opium des paysages », ou « La gaze de l’analyse » par exemple), Disons que je ne l’aurais pas exprimé ainsi, mais chacun sa sensibilité.

Son histoire personnelle ne peut pas ne pas toucher. Le désespoir affleure de temps en temps, pas souvent, mais parfois le doute est bien présent : « Quel intérêt à hisser ce corps en loques jusqu'au nord d'un pays en ruine ». A noter l’analogie entre l’état de son corps et celui du pays : Les expressions « en loques » et « en ruines » sont interchangeables.

Je vous livre quelques réflexions de mon fils qui n’est pas critique littéraire mais qui généralement y voit clair :

« Ce que j’aime chez Tesson, c’est qu’il fait voyager et bien ressentir les choses. Il a une manière « poétique » d’écrire.

(...) "J'étais tombé du rebord de la nuit..." ; "J'avais pris cinquante ans en huit mètres..." : de petites phrases que je trouve terribles; presque comme des punchlines* dans les textes de certains chanteurs ! Respect pour l'épreuve qu'il a traversée et la manière dont il s'est relevé. Rien que pour cela, ça fait déjà de lui un grand homme !»

Pour les illustrations j’ai choisi quelques tableaux connus de paysages enchanteurs qu’aurait pu traverser Sylvain Tesson au cours de ses pérégrinations. Qui mieux que les impressionnistes (et pointillistes comme Sisley) peuvent exprimer la couleur et l’émotion qui se dégagent d’un paysage ? Ils ne nous déçoivent jamais.

Punchlines* (anglicisme) = phrases « choc », percutantes

Je laisse l’auteur conclure : « Pour moi, le merveilleux, c'est quand un paysage ou une géographie a été fécondée par l'histoire des hommes, le mythe, la littérature, la poésie, les légendes. A ce moment-là, vous regardez un promontoire, une pointe, un coucher de soleil sur une plage battue par le ressac et vous voyez autre chose que ce que vos yeux regardent.»

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
B
Merci Odile..je respecte le courage de S.Tesson qui s'est relevé de cette chute absurde et qui l'a laissé en morceaux..il faut une sacrée dose de ténacité pour entreprendre ce periple..j'ai parcouru avec lui les chemins noirs et ce courage d'aller de l'avant je l'ai partagé egalement..c'est une belle leçon de vie..a méditer pour les esprits chagrins..j'ai toujours un faible pour l'écrit qui permet à l'imagination du lecteur de s'activer mais il edt vrai que Jean Dujardin a fait une belle prestation dans l'adaptation..
Répondre
B
Moi aussi je préfère toujours l'écrit au visuel, en général, après une lecture nous sommes souvent déçus par l'adaptation cinématographique...<br /> J'ai écrit cette page pour rendre hommage à Sylvain Tesson pour son immense courage, ceux qui lui ont lancé la pierre ne sont certainement pas à sa hauteur. Respect à lui ! De plus son écriture est fluide et plutôt poétique, mais il y aura toujours des critiques et des envieux...