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La page poésie d'Odile : les poètes chanteur , Léo Ferré

29 Janvier 2021 , Rédigé par verdon-info Publié dans #Image et poésie

La page poésie d'Odile  : les poètes chanteur , Léo Ferré

Quelques mots sur « Nos poètes chanteurs » : Léo Ferré

C’est une chanson bien pessimiste que je vous propose aujourd’hui ! Bon, Léo Ferré n’est pas réputé pour être bien souriant, ses textes et son visage sont souvent graves ou même larmoyants, mais je trouve ce poème particulièrement triste et démoralisant, même s’il est superbe. Il faut savoir que Léo Ferré a donné 25 concerts, se terminant par « Avec le temps », et a exigé de son public de le laisser quitter la scène en silence, sans applaudissement ni rappel. Imaginez cette chanson prenante, à laquelle succède un silence de mort, puis le départ du chanteur et le vide...Quelle ambiance ! Quelle mise en scène ! 

Que l’on dise que la passion ne dure pas, soit ! Mais l’amour ? La tendresse ? Cela ne disparaît pas comme ça, non ? Cette chanson fait partie des chansons réalistes comme celles d'Edith Piaf par exemple, mais je ne peux pas être d’accord. Quoi qu’il en soit, les vers traduisent parfaitement l’effet désiré : les anaphores « Avec le temps », « Et l’on se sent », renforcent la désespérance. La fuite du temps a été évoquée par de nombreux poètes, notamment les romantiques tourmentés du XIXème siècle (« Le lac » Lamartine ; Musset ; Hugo…) et par nos chanteurs poètes également : souvenez-vous de Jacques Brel « La pendule au salon qui dit oui, qui dit non, et puis qui nous attend », cela m’a toujours donné …le bourdon…mais évoquer la fuite de l’amour avec le temps qui passe est encore plus déprimant, car l’amour est justement tout ce qui nous reste.
Pour cela, il utilise un vocabulaire simple mais percutant et des champs lexicaux récurrents (l'amour : « cœur », « serment », « tendresse », « [vendre] son âme »...) Il détourne même les mots de leur sens premier (« et l’on se sent blanchi comme un cheval fourbu », tout cela pour dire que l’on est épuisé, vidé et qu’on a vieilli, c’est assez exceptionnel ! 

Notez la répétition du verbe aller qui donne non seulement une unité à la chanson mais évoque la fuite inéluctable du temps. Ce verbe aller est employé « à toutes les sauces » : la consolation : « avec le temps va… » (comme si l’on disait : « ça va aller, va ! ») ; la fuite : « tout s'en va » et « quand la tendresse s'en va toute seule » ; ou avec une consonance familière : « qui s'en va faire sa nuit » ; l’effort : « c'est pas la peine d'aller chercher plus loin » ; ou au contraire la satisfaction : « tout va bien ».
Sans oublier les nombreux changements de rythme qui marquent les secondes qui tombent, qui plombent, sans que personne n'y puisse rien et dont la victime est l'amour.

Comme je le disais plus haut, ce thème est récurrent en poésie, et Léo Ferré traduit cette généralisation par le « on » (pronom indéfini), ce n'est pas un « je » qui parle mais « tout le monde ». Cela signifie que la chanson se veut de portée universelle et non une histoire personnelle. On le voit très bien dans l’évolution grammaticale au fil du texte : Au début, « on oublie LE visage et l'on oublie LA voix » puis l’article défini devient « l'autre », puis le pluriel « LES voix » qui rend l'être aimé indéterminé, et enfin il a complètement disparu, il n’y a même plus d'objet à ce verbe (emploi intransitif du verbe aimer) : « avec le temps on n'aime plus ».
Même le terme « l'autre » durcit la nomination, car il peut être péjoratif, c'est aussi l'étranger voire l'ennemi. Idée que dans l'amour, les êtres sont toujours plus ou moins étrangers l'un à l'autre.
Sans oublier les touches d'impersonnel : « Le cœur, quand ça bat plus », et les images telle « A la Gal ‘rie j'farfouille », où les bons souvenirs sont maintenant méprisés.

C'est une vision très pessimiste que le poète donne du couple (Idée que dans l'amour il y a toujours des mensonges) avec même une référence à la prostitution : « d'un serment maquillé qui s'en va faire sa nuit ». Ici il s’agit évidemment de prostitution des sentiments, renforcée par les rimes : « regard/ fard », « bijoux/ sous », « fourbu/ perdues »...

Le dernier vers est le pire car il est définitif : Alors vraiment... avec le temps... on n'aime plus », impression accentuée par le « vraiment » mis en évidence. « Et l'on se sent floué par les années perdues » ; Après « glacé », « fourbu », le terme « floué » est tout de même fort : on est censé être consentant et averti il me semble !. 

J’ajouterais juste un petit mot sur Margarida Giorgiadis car j’ai été bien longue concernant Léo Ferré (et pourtant il y aurait encore beaucoup à dire !). Il s’agit d’une artiste contemporaine australienne et ses tableaux sont superbes mais en couleur sépia ou presque en noir et blanc. Seules les robes des personnages féminins représentés sont souvent colorées en rouge. Je dirais qu’ils sont d’une précision photographique mais tristounets dans les sujets, les postures, les couleurs…bref, ils s’accordent bien au texte.

 

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