La page poésie d'Odile : Le cimetière marin (extraits)

2 Juillet 2014 , Rédigé par verdon-info Publié dans #Image et poésie

Pendant ces derniers jours passés au bord de la Grande Bleue, la première strophe du si célèbre « cimetière marin » m’est revenue en regardant la mer ; et je me suis promis de vous offrir le début et la fin (il faut savoir qu’il en compte 24, je ne voulais pas vous décourager avant de le lire). La grande musicalité de ce poème vient, entre autres succulents effets de style, des allitérations, notamment des allitérations en « s » (« le temps scintille et le songe est savoir ». La palme d’or est attribuée à « la scintillation sereine sème sur l’altitude un dédain souverain », il fallait le pondre ce vers tout de même ! Je suis tétanisée et stupéfaite par tant de talent ! Bon d’accord, je ne suis pas douée, d’une part parce que je ne suis pas Paul Valéry, d’autre part parce que les allitérations donnent du sens, elles ne sont pas gratuites ! Par exemple, le S répété de notre cher Paul traduit le scin-ti-lle-ment ! Je vous laisse deviner les autres (et il y en a !)

Le cimetière marin (extraits)

Ce toit tranquille, où marchent des colombes,
Entre les pins palpite, entre les tombes;
Midi le juste y compose de feux
La mer, la mer, toujours recommencée
O récompense après une pensée
Qu'un long regard sur le calme des dieux!

Quel pur travail de fins éclairs consume
Maint diamant d'imperceptible écume,
Et quelle paix semble se concevoir!
Quand sur l'abîme un soleil se repose,
Ouvrages purs d'une éternelle cause,
Le temps scintille et le songe est savoir.

Stable trésor, temple simple à Minerve,
Masse de calme, et visible réserve,
Eau sourcilleuse, œil qui gardes en toi
Tant de sommeil sous une voile de flamme,
O mon silence! . . . Édifice dans l'âme,
Mais comble d'or aux mille tuiles, Toit!

Temple du Temps, qu'un seul soupir résume,
À ce point pur je monte et m'accoutume,
Tout entouré de mon regard marin;
Et comme aux dieux mon offrande suprême,
La scintillation sereine sème
Sur l'altitude un dédain souverain.

(…)

Oui! grande mer de délires douée,
Peau de panthère et chlamyde trouée,
De mille et mille idoles du soleil,
Hydre absolue, ivre de ta chair bleue,
Qui te remords l'étincelante queue
Dans un tumulte au silence pareil

Le vent se lève! . . . il faut tenter de vivre!
L'air immense ouvre et referme mon livre,
La vague en poudre ose jaillir des rocs!
Envolez-vous, pages tout éblouies!
Rompez, vagues! Rompez d'eaux réjouies
Ce toit tranquille où picoraient des focs!

Paul Valéry

l'Estaque. Paul Césanne

Pour accompagner le poème de Paul Valéry, je voyais la baie de l'Estaque peinte par Paul Cézanne. (Logique quand on sait que le cimetière marin est à Sète!!) Il y en a plusieurs pris d'un point de vue différent. Mais je n'en ai pas trouvé où une petite voile flotte sur la mer et je voulais absolument que "sur ce toit tranquille marchent des colombes!" J'ai fini par en trouver un, ce n'est pas celui que je préfère, ni celui que j'avais en tête, mais il y a un petit foc blanc, juste pour nous...

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