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Actualites locales Moyen et Haut Verdon...

historique train des pignes, José Banaudo, conférence ABSL Fabri de Peiresc

8 Octobre 2008 , Rédigé par verdon-info Publié dans #Art et Culture Fabri de Peiresc

L’ABSL Fabri de Peiresc a organisé une conférence le vendredi 22 aout à St Andre Les Alpes  dans le cadre des conférences grand public qui se sont déroulé sur différents lieux du Pays A3V.  Voir le programme et toutes les informations sur l’association sur le site ( www.peiresc.org  ).








La salle au dessus de la mairie était comble pour cette séance diaporama de José Banaudo  (
Siecle du train des pignes) sur les chemins de fer de Provence et son historisque très enrichissante.

A l’issue de l’exposé, une discussion s'est engagée avec les  personnels de la ligne (en activité ou retraités) présents dans la salle pour évoquer leurs souvenirs  et l'évolution du travail quotidien au fil des années.


LES CHEMINS DE FER DE PROVENCE,
DES ORIGINES AUX ANNEES 1950


Lorsque l'on évoque les Chemins de fer de Provence, les clichés habituels liés au « Train des Pignes » viennent un peu trop facilement à l’esprit. L’on pense tout naturellement à la ligne Nice - Digne, la dernière en activité, mais il faut garder à l’esprit que ses 150 km ne représentent que le quart d’un réseau qui fut bien plus vaste (610 km) et sillonna pas moins de quatre départements : les Alpes-Maritimes, les Alpes de Haute-Provence, le Var et une partie des Bouches-du-Rhône.

DE LA LIGNE DE CHANTIER AU « SUD-FRANCE »


Les origines de ce réseau se situent dans la vallée du Var, où a été réalisée la toute première voie ferrée du comté de Nice. Lorsque le gouvernement du royaume de Piémont-Sardaigne entreprend en 1844 l’endiguement de la rive gauche du fleuve qui délimite alors la frontière avec la France, il fait établir sur la digue une voie ferrée légère pour faciliter l’approvisionnement des matériaux. Des wagonnets tirés par des chevaux et des mulets y circulent du lieu-dit Baou-Rous jusqu’à l’embouchure du Var, assurant même occasionnellement le transport des voyageurs.

En 1860, le rattachement du comté à la France va susciter des projets de liaisons ferroviaires ambitieux entre Nice et sa nouvelle patrie. Les localités provençales de l’intérieur, Brignoles, Draguignan et Grasse, déçues de n’avoir pu obtenir le passage de la future ligne Marseille – Nice qui suivra le littoral, réclament une liaison ferroviaire du « Central Var ». Dans la direction des Alpes, l’ingénieur dignois Alphonse Beau-de-Rochas publie en 1861 un mémoire sur la réalisation d’un chemin de fer de Grenoble à Nice via Gap et Digne : une œuvre de visionnaire lorsque l’on sait qu’il prévoit des tunnels de 5 à 10 km de longueur et que la route de Digne à Nice ne sera achevée que dix-sept ans plus tard !

Et il faudra d’ailleurs près de vingt ans pour que ces vœux, projets et contre-projets aboutissent. Ce n’est qu’en 1879, en effet, que le ministre des Travaux Publics Charles De Freycinet inclut dans son programme de réseau ferré complémentaire qui doit desservir au moins chaque sous-préfecture française, les lignes suivantes :
1) De Nice à la Durance via Grasse et Draguignan ;
2) De Nice à Digne via Puget-Théniers et St.André ;
3) De Digne à Draguignan via St.André et Castellane.
L’étude du tracé de ces lignes est confiée à Pierre Ferrié, un ingénieur des Ponts & Chaussées qui a déjà œuvré au chemin de fer du Mont-Cenis, à divers projets en Italie puis a dirigé le percement du tunnel du Vieux-Port de Marseille. Ce bâtisseur fécond mais modeste s’emploie à l’étude des lignes de Provence jusqu’en 1885, puis il en dirigera la construction jusqu’en 1892 et poursuivra sa longue carrière comme chef des services techniques (Voie et Bâtiments) de la compagnie du Sud jusqu’à sa mort en 1911.


LA CONSTRUCTION DU « RESEAU DES ALPES »

Le cadre du futur réseau étant tracé, l’on peut passer au stade de sa construction. Mais celle-ci va connaître un faux départ ! Sous l’influence des milieux politiques des Basses-Alpes, la priorité est accordée à la liaison Digne – Castellane par St.André, qui est concédée à la Compagnie des Chemins de Paris à Lyon et à la Méditerranée (PLM) dès1883. Les travaux commencent mais l’on comprend vite qu’en raison des difficultés du relief, les devis seront largement dépassés. L’Etat décide alors de renoncer à l’écartement de voie standard du réseau national (1,44 m) pour établir le réseau à l’écartement métrique : cette voie étroite, qui admet des courbes plus serrées et des déclivités plus fortes, sera plus facile et donc moins coûteuse à insérer dans un relief montagneux. Dans ces conditions, le PLM se retire de la partie et l’Etat doit rechercher un nouveau concessionnaire. Il se présente en 1885 sous la forme de la Compagnie des Chemins de fer du Sud de la France (souvent appelée aussi « Sud-France » ou Compagnie du Sud), dont le principal actionnaire est la Société Marseillaise de Crédit. Les premiers travaux lancés en 1886 à l’ouest de Draguignan vont permettre d’atteindre Salernes et Barjols dès 1888, puis Meyrargues (Bouches-du-Rhône) en 1889. Le rail part ensuite vers l’est de la préfecture varoise pour rejoindre Montauroux et Grasse en 1890.

A Nice, la tête de ligne vers Grasse et vers Digne doit être établie dans la monumentale « Gare du Sud » conçue par Prosper Bobin, architecte de la ville de Paris. Les proportions du bâtiment sont définies en fonction du réemploi de la verrière du pavillon russe de l’exposition universelle de 1889. Dans ce secteur, les études doivent tenir compte d’impératifs stratégiques d’autant plus incontournables que la récente adhésion de l’Italie à la Triple Alliance, avec l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie, rend sensible tout ce qui touche à la défense des frontières. C’est ainsi qu’au lieu de suivre jusqu’au Var un tracé littoral techniquement facile mais exposé aux canons d’une marine ennemie en cas de conflit, on impose au rail un itinéraire tortueux, pentu et ponctué d’ouvrages d’art pour rejoindre Lingostière au travers des collines niçoises. Plutôt que de rejoindre Grasse en passant par Cagnes, on préfère établir la ligne en tronc commun avec celle de Digne sur 13 km jusqu’au lieu-dit La Manda (commune de Colomars) où sera implantée la gare de bifurcation, hors de portée d’une attaque maritime.

La section Nice – Grasse est mise en service le 7 juin 1892, suivie par celle de La Manda à Puget-Théniers le 8 août suivant, amorce de la future ligne vers Digne. A l’autre extrémité du parcours, les travaux ont repris à Digne, d’où le rail atteint le village de St.André dans la vallée du Verdon le 15 mai 1892. Seuls restent à achever les 50 km qui séparent Puget-Théniers de St.André mais cette section doit passer à plus de 1000 m d’altitude et franchir un relief difficile au moyen de nombreux ouvrages d’art. En attendant, des diligences effectuent la jonction entre les deux terminus provisoires…  

Au moment où elle va devoir faire face à ce dernier défi technique et financier, la compagnie du Sud se retrouve au centre d’un scandale politico-juridique qui va entraîner le suicide de son administrateur le plus influent, le baron De Reinach, la démission de son prestigieux directeur, l’ingénieur Félix Martin, et la chute de deux gouvernements !

C’est donc l’Etat qui va prendre à sa charge l’achèvement du réseau. Ses services font procéder de 1899 à 1904 au percement de l’ouvrage majeur, le tunnel de La Colle-St.Michel (3457 m), qui fera passer le rail du bassin du Var à celui du Verdon. Au gré de la disponibilté des crédits, la ligne est prolongée de Puget-Théniers à Pont-de-Gueydan le 30 septembre 1907, à Annot le 27 juin 1908 et enfin à St.André le 3 juillet 1911. La ligne Nice – Digne peut enfin être inaugurée par le ministre des Travaux Publics, exactement cinquante ans après que l’ingénieur Beau-de-Rochas en ait émis l’idée.

UN RESEAU A SON APOGEE

A la veille de la 1ère guerre mondiale, la compagnie du Sud est véritablement à son apogée. Son réseau d’intérêt général des Alpes (Nice – Digne et Nice – Meyrargues) atteint un développement de 349 km. Il emploie environ 700 agents et joue un rôle considérable dans l’économie régionale. Il transporte plus de 800.000 voyageurs et 320.000 tonnes de marchandises par an. Pour faciliter les échanges, les voies sont connectées à Nice avec la gare centrale du PLM et avec les quais du port, par l’intermédiaire des lignes urbaines des Tramways de Nice et du Littoral (TNL). Le matériel roulant comporte plus d’un millier de véhicules, dont 53 locomotives à vapeur, 78 voitures à voyageurs, 24 fourgons à bagages et 966 wagons à marchandises.

Et la compagnie du Sud exploite d’autres réseaux concédés par des départements sous le régime d’intérêt local. C’est le cas du réseau du Littoral Varois, ouvert entre 1888 et 1905, qui s’étend sur 114 km de Toulon à St.Raphaël via Hyères, Le Lavandou, Cavalaire, Ste.Maxime, Fréjus, avec un embranchement de Cogolin à St.Tropez.

Un réseau de tramways, ouvert entre 1909 et 1924, est exploité pour le compte du département des Alpes-Maritimes. Il met en œuvre des innovations techniques, comme la traction électrique en courant monophasé, et fait un large emploi du ciment armé (ancêtre du béton) qui permet la construction d’ouvrages d’art audacieux. Ses lignes totalisant 145 km relient St.Martin-Vésubie, St.Sauveur-sur-Tinée, Guillaumes et Roquestéron à l’axe Nice – Digne, tandis que les antennes Cagnes – Vence, Cagnes – Grasse et l’embranchement du Bar-sur-Loup se greffent sur l’artère Nice – Meyrargues.

D’UNE GUERRE A L’AUTRE

La 1ère guerre mondiale va porter un coup d’arrêt à la prospérité de la compagnie du Sud. Des centaines d’agents sont mobilisés pour exploiter les lignes stratégiques de l’est de la France, en particulier le Chemin de fer Meusien qui approvisionne le front de Verdun. Un quart des véhicules sont réquisitionnés et seront restitués en très mauvais état par les autorités militaires. Dans l’immédiat après-guerre, face à un contexte économique bouleversé, il faut faire face aux fortes hausses des salaires, des combustibles et des matières premières. Les tarifs, qui sont demeurés stables pendant les vingt années qui ont précédé la guerre, subissent plusieurs augmentations par an pour suivre l’inflation.

En 1925, la compagnie doit se restructurer et prend la nouvelle raison sociale de Chemins de fer de la Provence (CP). Dans un premier temps, une certaine relance économique profite au trafic marchandises qui atteint un volume record, supérieur à celui de l’avant-guerre. La création à Lingostière d’une centrale thermique destinée à alimenter en électricité l’agglomération niçoise occasionne un important trafic de charbon importé via le port de Nice. Puis la crise mondiale de 1929 va précipiter l’effondrement des recettes du chemin de fer qui chutent en quelques années de 85 % pour les marchandises et 65 % pour les voyageurs. Dans ce dernier domaine, les trains sont fortement concurrencés par de nouveaux services d’autocars plus rapides et immédiatement rentables, car n’étant pas soumis aux mêmes contraintes réglementaires ni à l’entretien de leurs infrastructures. Les premières victimes de cette lutte féroce sont les lignes des tramways départementaux des Alpes-Maritimes, qui sont toutes fermées de 1929 à 1932 : celle de l’Estéron n’aura pas fonctionné cinq ans !

Le 14 juillet 1933, la compagnie CP est au bord de la faillite et elle suspend l’exploitation du réseau des Alpes. L’Etat place celui-ci sous séquestre et en reprend l’exploitation sous le contrôle des Ponts & Chaussées : un régime « provisoire » qui durera près de quarante ans ! Le premier souci de l’ingénieur en chef Charles Chauve est d’entreprendre la modernisation du chemin de fer pour lui permettre de supporter la concurrence routière. Après avoir essayé une Micheline (automotrice à roulement sur pneumatiques) destinée à Madagascar, l’administration du séquestre commande aux usines Renault douze autorails type ABH, qui seront livrés de 1935 à 1945. Ce matériel s’avère performant et robuste : trois de ces véhicules fonctionneront pendant plus de soixante-cinq ans ! Pour les voyageurs, l‘arrivée des autorails représente une véritable révolution. La concurrence routière est pratiquement éliminée et en l’espace de deux ans le trafic remonte de 56 %, tandis que le déficit se réduit.

Mais la deuxième guerre mondiale arrive. Contrairement au premier conflit, celui-ci va toucher le réseau directement. Sous le régime Vichy, la pénurie s’installe : les autorails doivent cesser leur service, sauf trois équipés pour fonctionner au gazogène, et la plupart des trains sont à nouveau assurés en traction vapeur. Pour renforcer le parc, six puissantes locomotives destinées au Chemin de fer Dakar – Niger sont temporairement utilisées par les CP. En septembre 1943, l’occupation allemande accroît les difficultés. Les deux lignes du réseau forment un lien indispensable pour le ravitaillement de la ville de Nice. Sur la branche de Meyrargues, les trains sont réquisitionnés par l’occupant pour assurer le transport des bauxites du Var, matière vitale pour l’industrie de guerre. Les cheminots répliquent par des actes de résistance passive, puis par des sabotages de wagons et de machines tandis que les maquisards effectuent plusieurs attaques sur les voies.

Début août 1944, dans le cadre de la préparation du prochain débarquement, des bombardiers alliés remontent la vallée du Var et détruisent plusieurs ponts dont ceux de La Manda et de la Vésubie. Le 15 août, c’est le débarquement en Provence. Quelques jours plus tard, les troupes allemandes en retraite détruisent trois grands ouvrages de la ligne de Meyrargues, les viaducs du Loup, de Tourrettes et de la Siagne.

DES SACRIFICES ET UN REDRESSEMENT

Dans les années d’après-guerre, la fin des restrictions en gazole permet le retour des autorails. Après réparation des points endommagés, la Nice – Digne est rétablie intégralement. Par contre l’artère Nice – Meyrargues est desservie par autocars jusqu’à la gare de Tanneron (limite des Alpes-Maritimes et du Var) et par trains au-delà. Malgré les promesses initiales, l’Etat décide finalement de ne pas reconstruire les ouvrages détruits et la section restante Tanneron – Meyrargues est fermée le 31 décembre 1949. Les infrastructures sont abandonnées, le matériel dispersé et 132 agents licenciés : cette fermeture constitue un énorme gâchis car la section Nice – Grasse présentait à elle seule un potentiel de trafic important.

Il ne subsiste donc que la ligne Nice – Digne, qui va être modernisée. Les dernières locomotives à vapeur, qui remorquaient les convois de marchandises et quelques trains de voyageurs supplémentaires, sont retirées du service en mai 1951 et remplacées par quatre locomotives diesel neuves qui viennent épauler les autorails. Le prix de revient de la traction est réduit de moitié par rapport à la vapeur. En 1953, un accord est conclu entre les CP, la SNCF et les Chemins de fer fédéraux suisses pour créer en été une liaison accélérée Nice – Genève avec correspondance à Digne, baptisée « Alpes Azur ».

Avec la fermeture de la ligne de Meyrargues, la fin de la traction vapeur et une orientation plus marquée vers le tourisme, les Chemins de fer de Provence vont entamer une nouvelle étape de leur histoire mouvementée qui prélude à leur vocation actuelle...


José Banaudo.


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