La Mure Argens : un peu d'histoire sur la chambrette
Faisant référence au texte de ma grand-mère Marie Maurin épicière et seule maire féminin de la commune de 1947 à 1949, nous allons évoquer ici la chambrette et le cercle de la Mure à travers le temps. Dans ses mémoires elle évoque ces lieux de rassemblement et d’animation masculine; à l’époque dont elle parle, la gent féminine n’était pas admise dans le cercle des animations tout du moins au début. Par la suite, des gérantes pourront être présentes dans l’administration et l’organisation... Puis les centres qui auront perduré ouvriront les portes à une plus large clientèle.
Pour ceux qui ont le souhait de mieux connaître ces institutions présentes sur les territoires entre les années 1800 et 1950, un ouvrage y fait référence : “Les chambrettes en Hautes Provence” de Lucienne A Roubin où de nombreuses informations et anecdotes sont décrites.
Ces lieux de rencontres et d’amusement étaient réservés aux hommes avec des règles strictes pour une organisation optimale, voire militaire .Aux XIXème et XXème siècles les hommes avaient beaucoup de privilèges au fil du temps les barrières sont tombées et l’égalité des sexes a essayés de faire surface pour une plus grande équité et logiquement plus de joie et de partage commun .
Les chambrettes c’est un peu l’ancêtre du cercle actuel du Riou, bien que l’organisation et les règles y soient beaucoup plus souples. Créée dans les années 2000 par Pierre Hurtevent et son équipe,l’association le Riou et le cercle permettent un rassemblement de convivialité du village (hors confinement) tous les soirs pendant l’hiver, et qui bascule le reste de l’année avec les animations festives pour l’animation du village accessible à tous et qui a permis de créer des activités de coeur de village dans une grande cordialité.
Revenons sur l’histoire de La Chambrette de la Mure par Marie Maurin ( la chambrette fut active de 1900-1944)
La commune de la Mure possédait au siècle dernier(1900-1944) une maison des hommes, institution interdite au sexe féminin, autrement dit chambrette ou cercle qui s’est éteinte en 1944. Il était dénommé, “cercle du réveil fraternel” la devise de l’époque était la suivante : “ ni étoupe* près du feu ni femme près de l’homme”. D’après les souvenirs de Denise Reboul, le cercle se situait au bord de la route , le bâtiment est devenu un garage. Il semblerait aussi qu’un autre bâtiment dans la grand rue ait été utilisé antérieurement. La famille Giraud et Benoît nous indique "En 1923 le grand-père de maman, Henri Bonnet, a racheté une maison pour agrandir la sienne. Il est noté dans l'acte qu'elle appartenait à la veuve et à la fille de feu André Léon Michel, décédé en 1900 et qu'elle était alors louée au cercle de la Mure pour 100 Francs."
Un conseil restreint assumait la gestion de cette institution qui comprenait un président , un trésorier , un secrétaire , 2 commissaires renouvelables chaque année. Toutes les semaines, à tour de rôle, 2 sociétaires sont chargés de veiller à la bonne marche de l’association. Ils sont chargés de tenir le local en état de propreté, de balayer, d’éclairer la lampe suivant la saison allumer le poêle et servir les clients. Ils sont passibles d’amende en cas de manquement à ces tâches quotidiennes et pour infraction aux règlements.Les servants rendent leurs comptes au trésorier à la fin de la semaine. Ils sont tenus de laisser tous les ustensiles culinaires , verres et tous les objets confiés à leurs soins dans un état irréprochable. Le service court d’un dimanche à l’autre. Dès l’arrivée des premiers habitués, le service est mis en place, les consommations se paient en pièces de monnaie ou de jetons mis dans une cassette fermée qui est ouverte et comptabilisée au changement de semainier. Bien entendu, cela ne va pas toujours sans histoires . Parfois le servant a un peu bu avant l’ouverture en faisant le ménage du cercle et les commissaires doivent intervenir ; mais cela s’arrange toujours. Veillées en hiver, jeux de cartes , jeux de boules en été . Le dimanche vers midi, quelques habitués décident d’un déjeuner improvisé, entièrement constitué d’apports extérieurs prélevés en dernières minutes par les compères sur le repas familial qui emportent les meilleurs morceaux à la chambrette au détriment des femmes et des enfants. Les chats capturés par équipées nocturnes fournissaient aussi les civets dominicaux. Toutes les familles avaient un surnom qui se rapportait à leur activité ou aux noms de famille, très nombreux, par exemple les Simon, disparus, les Honnorat , les Coullet , les Augier et les Audemar tisseurs de toile . Le budget annuel de cette petite association reposait sur les ressources internes dont la contribution de chaque sociétaire formait l’essentiel : 2 francs au début du siècle. Les semainiers fournissaient le bois . Quand un nouveau venu voulait se faire admettre au cercle, il devait verser un droit d’entrée et présenter les qualités de fidélité à l’association. Le bureau avait le droit de refus s’il le jugeait utile. L’ensemble des catégories professionnelles : cultivateurs , forgerons , bergers, chasseurs, s’y trouvaient pour relater leurs performances , leurs marchés, et leurs exploits. St Joseph, le 19 mars, était le patron de la chambrette dignement fêté à cette occasion. Tout commence pour le semainier quelques jours auparavant par un grand nettoyage du local .Il peut se faire assister par quelques enfants qui assurent le transport de l’eau . Le jour venu, il fait chauffer la salle de bon matin, dresser la table, regrouper les tables de jeux de cartes, transporter le vin de la cave nécessaire pour cette journée de bombance, prévoir l’arrivée des victuailles cuisinées dans le village, ce qui nécessite de ce fait de nombreuses allées et venues. En fin d’après midi, le fameux semainier doit mettre en train la préparation du souper par lequel s’ouvrira le second temps du banquet qui ne s’achève qu’au petit matin avec des chansons et des libations. Le temps de carnaval donnait également lieu à de nombreuses réjouissances pour le mardi gras. La jeunesse se déguise, chacun à sa manière faisant grand usage de miel et de plume dont ils se barbouillent le visage pour se rendre méconnaissables. Un ancien gai luron mène la bande armée d’une baïonnette pour embrocher les petits salés ou le lard, d’un grand panier pour récolter oeufs et farine en faisant la tournée de toutes les maisons. En principe, cette troupe était bien reçue, arrosée de la traditionnelle goutte de fine ; aussi, inutile de vous dire dans quel état se trouvaient ces messieurs en fin de tournée... Heureux et gais, ils emportaient leur butin à la chambrette où ils dégustaient beignets(crespeau) et crêpes durant plusieurs jours . Cette tradition s’est terminée avec la guerre de 1939.
Le partage de l’histoire locale reste tout à fait instructif sur l'évolution de notre société avec ses avantages et ses inconvénients ….Sommes-nous plus heureux au XXIème siècle vaste question surtout en ces périodes sanitairement troubles.