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La Page poésie d'Odile : les « Constellations »

30 Juin 2025 , Rédigé par verdon-info

La Page poésie d'Odile : les « Constellations »

Quelques mots sur les « Constellations »

Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais on dirait que « Les Constellations » de Miro (1893-1983) ont été peintes pour illustrer ce poème de Victor Hugo (1802-1885)! Jugez-en : « La splendide forêt des constellations/C'est moi qui suis l'amas des yeux et des rayons » ou « Miroirs profonds ouverts à l'œil universel », ne retrouve-t-on pas ici les yeux que Miro met dans les étoiles ? D’ordinaire on met « des étoiles dans les yeux », dans ses Constellations Miro met des yeux dans les cieux. Les analogies ne s’arrêtent pas là ! « Un peu de cendre rouge éparse dans la nuit ! » Pour qui verrait de près mon nuage vermeil ! » « Tourne autour de chacun de mes soleils de flammes » ; toutes ces teintes rouges se retrouvent dans les astres de Miro. Quant aux « immensités étranges », les ciels de Miro en sont pleins. En effet, en plus des lunes et des étoiles, on y retrouve des poissons, des insectes, des oiseaux, des colliers de perles (planètes en enfilade) et même une moto, et un sexe masculin…Puis des yeux, des yeux, et encore des yeux ! Grands ouverts ! L’œil de Dieu ? De Caën ? De l’intelligence ?

Certains y voient la représentation de la femme (une amande entourée de poils). 

En effet, on ne peut faire plus étrange comme immensité ! « Chaque point est un astre et chaque astre un soleil », le nombre de points (qui représentent des planètes et des soleils) inondent les toiles de Miro. « Les planètes font autant de nations » : et il y a aussi des…drapeaux dans le ciel de Miro. Avouez que la coïncidence est étonnante ! Foin de suppositions oiseuses ! Mais ces similitudes d’univers oniriques ne sont-elles pas tout simplement des images voisines engendrées par deux esprits imaginatifs ? On dit que les « grands esprits se rencontrent », peut-être est-ce le cas ? A un siècle d’intervalle.

Difficile de cerner la symbolique du poème, cette voie lactée, cet abîme, sont-ils l’immensité et la profondeur d’un esprit supérieur ? Ces soleils, ces étoiles, ces astres, des idées de génie, les muses de la poésie, et, puisque la lumière est synonyme d’esprit, d’intelligence ; ou… peut-être l’amour, (Dans chaque cœur l'amour, dans chaque âme le ciel !)

Le regard de Dieu ? Il y a une mise en opposition entre « l’en haut » et « l’en bas » : Le Paradis et l’enfer ? Le monde de l’esprit et le monde matériel ? Chacun peut voir ce qu’il veut dans ce texte un peu sibyllin. Assez étrange pour Hugo, qui est souvent transparent. Mais ce poème est aussi différent au niveau de la forme. Il est en alexandrins, certes, mais des ruptures de rythme, des décrochages, des hyatus* au milieu des mots pour atteindre le bon nombre de pieds (« Un groupe d'univers, en proie aux passi-ions »,) lui donnent une allure assez moderne. On le lui a d’ailleurs reproché. Et que dire de ce premier vers : « Milli-ions, milli-ions, et milli-ions d'étoiles » ! Il contient également des hyatus, mais aussi une anaphore inédite en début de vers, assez inhabituelle car répétée trois fois à la suite, mais qui veut donner une idée très étirée de l’immensité. J’ai compté pas moins de 13 métaphores pour désigner la voie lactée (en général substantif (nom) + qualificatif), toutes en rapport avec la lumière («splendide forêt, éclatant abîme, vaste archipel, splendeurs immobiles, tas de soleils, lueurs vivantes, nuage vermeil, soleils de flammes, grains de lumière » etc. Etonnant non ? Et en opposition on trouve « l’ombre, globes rampants, gouffre, épouvante, morne » etc. Dans ces 2 mondes qui s’opposent, 2 champs lexicaux antinomiques occupent tout le texte.

Quant à l’illustration, « Constellations » est un ensemble de tableaux peints par Joan Miró de 1939 à 1941, on en compte entre 23 et 30.  Elles portent chacune un nom à rallonges, (dans la pure tradition espagnole, un peu comique) comme « Une goutte de rosée tombant de l’aile d’un oiseau réveille Rosalie endormie à l’ombre d’une toile d’araignée » la « Femme à la blonde aisselle coiffant sa chevelure à la lueur des étoiles ». Ce que j’aime chez Joan Miro, c’est qu’il utilise des couleurs vives et pures où dominent le bleu outremer, le rouge, le jaune, le vert, l’orange. Ces tons donnent une impression de richesse, de force et de gaité dans ce foisonnement de formes où l’on doit parfois jouer aux devinettes. Est-ce une femme, un oiseau ? Peu importe, c’est joyeux, c’est vivant. 

Comble de surprise, l’écrivain André Breton s’est appuyé sur 24 de ces œuvres pour l’écriture des poèmes d’un recueil intitulé « Constellations ». Donc c’est l’inspiration inverse, si tant est que Miro se soit vraiment inspiré d’Hugo, ce qui serait très étonnant.

Pour le fun, un petit aperçu des Constellations de Breton. « Sur les murs des petits bourgs, des hameaux perdus, ces beaux signes à la craie, au charbon, c'est l'alphabet des vagabonds qui se déroule : un quignon de pain, peut-être un verre à trois maisons après la forge; château : gare au molosse qui peut sauter la haie.
Ailleurs le petit homme nu, qui tient la clé des rébus, est toujours assis sur sa pierre.
A qui veut l'entendre, mais c'est si rare, il enseigne la langue des oiseaux: Qui rencontre cette vérité de lettres, de mots et de suite ne peut jamais, en s'exprimant, tomber au-dessous de sa conception. …Sous les ponts de Paris, le fleuve monnaye, entre autres méreaux**, le souvenir des priapées au temps où le chef des jongleurs levait tribut sur chaque folle femme.
Et chacun de nous passe et repasse, traquant inlassablement sa chimère, la tête en calebasse au bout de son bourdon
 ». En avant l’analyse ! Bonne chance ! Vous avez 4 heures !! 

Et à bientôt en septembre !

 

*succession de deux voyelles appartenant à des syllabes différentes 

** « Bons pour… », « laissez passer »…

 

 

 

 

 

 

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L
Quatre heures ? fô pas rêver ! on en a bien pour deux mois à tenter de répondre à un tel foisonnement. Ce qui m'étonne, c'est qu'on n'ait pas aussi un chapitre sur le petit homme qui n'était pas là...Je le verrais bien moi aussi, sur le trottoir, assis tout nu sur sa pierre. <br /> Ah que je voudrais qu'il n'y soit pas...
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